Coup de folie...

Un matin.... devenu routinier... Elle l’a laissé, pour se rendre au Château... Pour y travailler, parce que oui, elle aime ça et ne supporterai pas de rester à la maison, à broder ou coudre... Même modestement gratte-papier ou porte parole, elle doit se rendre utile. Essayer au moins.

Seulement ce matin là... comme le précédent et celui d’avant encore... Elle peine à s’y mettre. Sans cesse en son esprit revient cet air un peu triste qu’il tente par tous les moyens pourtant de lui cacher.

Ces derniers jours, elle est tout sauf productive au Conseil. Irritable et vite, très vite agacée par tout et tous. Bon d’accord, ce n’est pas une chose extraordinaire non plus... Ca arrive souvent.

Oh elle aurait pu ne rien lui en dire. Lui cacher la venue qui venait tout gâcher.

Tout ? Non. A la limite et quitte à se reconnaitre lâche, elle en est à se dire que ce serait, peut être, plus simple. Si justement, tout était gâché. Si le « choix » qu’elle allait devoir faire, elle s’en doute, était si facile. Elle se sait faible devant celui qui débarquera dans quelques jours pour troubler leur tranquillité. Elle l’a toujours été... Mais cette fois, la donne est différente... Elle a peur.
Parce que le brun râleur et grognon... C’est qu’elle y tient hein ! Et pas qu’un peu même. Elle se l’avoue enfin.

Lui qui, depuis quelques jours, se montre encore plus attentionné. Elle se surprend à se demander souvent si en plus de sa peine visible, il ne chercherait pas à lui cacher d’autres sentiments. Et cette question l’obsède.

Se pourrait-il qu’elle ne soit plus seulement.... « Une parmi d’autres » ?

Alors oui, elle aurait pu se taire et... attendre en laissant faire.... Mais elle lui a parlé, par franchise, par confiance... Pour qu’il l’aide, même si elle ne lui demande pas clairement.... Et pourtant, c’est ce qu’il fait... A sa manière, que d’autres pourrait trouver peut être gauche ou maladroite... Ne lui montre t-il pas.... depuis ce soir là.... Qu’il est là et bien présent en plus...

C’est encore dans cette pensée qu’elle n’arrive pas à démêler, que la brune se trouve quand il entre dans son bureau en silence.
Les yeux perdus dans le vague, elle ne le voit pas.

Forcément... Elle sursaute en sentant une présence derrière elle. Evidement, elle arrache un cri, juste un cri, quand le tissu lui couvre les yeux....

Et puis, le cœur, le corps, réagissent.... Elle le reconnait, même sans le voir.... A ses gestes, quand ses mains se posent sur elle. Quand il la fait décoller pour atterrir sur son épaule.

Le cœur s’accélère dans sa poitrine... Elle ne crie plus.... Manquerait plus que les gardes entendent et sonnent l’alarme.... Elle a fait prévenir, depuis longtemps, que le p’tit brun là, on doit le laisser passer, même s’il venait sans prévenir... Mais allez savoir si un ne ferait pas du zèle pour se faire bien voir...

Alors prenant appui sur le dos de ses deux mains, pour s’accrocher..... Oh oui elle s’y accroche à son Ange Gardien.... Elle murmure simplement....

Je ne chercherai même pas à m’enfuir....

Si elle a compris et accepte avec joie l’enlèvement, elle ne sait pas où il va l’emmener.

Dans un couloir du Château ou une pièce sombre ?
Mais il avance, en silence et sans s’arrêter. A son pas qui ne résonne plus sur le sol carrelé, elle devine qu’ils descendent les marches. Ils sont donc sortis.

A l’auberge qui a hébergé leurs premiers ébats ? Chez eux, à Maillezais ?
Plongée dans l’obscurité, elle ne peut le savoir. Alors elle attend d’être à bon port. Ne pas lui gâcher le plaisir qu’il doit avoir à mettre au point sa surprise en se montrant trop curieuse.
Elle saura bientôt de toute manière. Il ne va pas l’emmener au bout du monde en la portant comme un sac de récolte tout de même !

Soudain, il ralenti. Puis s’arrête et la dépose, tout en douceur, sur le sol froid.
Ils sont restés dehors. Elle le sent à l’air vif qui vient frôler ses joues.
Et sur ses lèvres, un baiser qui réchauffe. Un de ceux que l’on savoure. Un doux. Un chaste baiser. Un de ceux que l’on donne, aussi, avec le cœur.

Un comme....

Alors elle comprend. Toujours sans rien voir, elle n’en a plus besoin, elle sait. Elle sourit, attendrie de cette idée.

Ses doigts qui s’entrelacent aux siens. Elle s’y accroche comme à phare dans sa nuit.

Et dans un murmure...

Mon Ange, vous voulez bien m’enlever ce bandeau ? Je voudrai le voir.... Notre arbre.

Soupirer en l'entendant... oui elle a deviné... et bien deviné en plus... soupirer... même pas capable de faire une surprise... décidément...

Bien sur vous pouvez... toute façon vous savez ou on est...

Regard dans le lointain... ou dans le vide... laisser le silence s'installer... et ne le briser qu’après de longues secondes...

J'avais envie de... enfin... revenir la ou tout à commencé... pour cette... der... enfin... cette soirée...

Ne pas lui avouer... s'livre pas facilement non plus... ne pas oser la regarder... l'regard reste planté au loin... que faire maintenant... l'y avait pas vraiment pensé... hurler... partir en courant... faire comme si de rien n'était... l'en savait fichtrement rien... savait qu'une seule chose... cette main qui le tenait... voulait qu'elle reste la...

Le bandeau encore sur les yeux. La main libre qui se lève déjà pour le délier.... Et le geste se suspend, un instant. Elle ne bougera plus avant qu’il ne reprenne la parole.

Il semble si triste son Ange Gardien. Est-elle vraiment si cruelle et aveugle, pour ne pas s’en être rendue compte plus vite ?

« Revoir » cet endroit, dans ses souvenirs d’abord, et les partager avec lui...

Oui je sais où nous sommes. Nous sommes là où vous m’avez fait venir.... Ce premier jour.
Nous sommes au pied de cet arbre qui a vu notre premier baiser.
Nous sommes au milieu de cette campagne, là où, déjà, je n’ai su résister à l’envie de me trouver près de vous.

L’émotion la gagne, de plus en plus... et à mesure, sa voix baisse.

Nous sommes là, ou, pour la première fois depuis si longtemps, je me suis sentie femme... Belle... Regardée... Désirée...
Ici, j’ai trouvé non seulement un Ange Gardien....

Et à cette seconde précise, sa décision est prise. Le trouble qu’elle a ressenti en apprenant la visite prochaine a disparu. Comme si il lui avait suffi, au final, de tout simplement laisser les mots sortir de sa bouche pour, enfin, se les avouer à elle-même.

Ici, avec vous, j’ai trouvé mon Avenir.

Alors seulement, la main termine son parcours, dénoue la chemise déchirée qui lui cache la vue.
Et lentement tourne le visage vers lui qui a le regard perdu au loin. Pression plus forte sur la main aux doigts entrelacés.

Si vous voulez toujours de moi Auxence, après ce que je viens de vous faire subir ces derniers jours...